La Régie refuse d’enquêter sur les salons de poker et contredit les déclarations déjà faites aux médias par son propre porte-parole
13 février 2008
La controverse entourant les salons de poker
dans les casinos du Québec se poursuit. Dans sa première réponse
écrite, la Régie des alcools, des courses et des jeux vient
dannoncer quelle refuse denquêter sur les salons de poker. Cette
position est dautant plus étonnante que le 10 janvier, pour
expliquer le silence de la Régie, son porte-parole Réjean Thériault
promettait, dès louverture des salons de poker, la tenue dune
enquête pour répondre aux plaintes des croupiers.
Sur les ondes dune radio de Gatineau, il
ajoutait même que la Régie allait entendre les différents
intervenants concernés. «Si les
machines sont mises en fonction le 18 janvier nous, effectivement,
on va enclencher une enquête. Cest ce quils nous ont demandé de
faire, cest ce quon va faire. On va donc rencontrer tous les
intervenants, notamment les syndicats de croupiers, notamment
Loto-Québec, notamment le laboratoire des sciences judiciaires et
là on va se faire une tête par rapport aux lois et règlements.
Parce que notre job à nous à la Régie cest simple, cest de faire
appliquer les lois et règlements.» Aucune de ces rencontres
na eu lieu.
En Cour
supérieure
Le débat entourant les salons de poker se transporte en Cour
supérieure dès aujourdhui. La Cour se penchera sur une requête
introductive d’instance en mandamus déposée par les syndicats des
croupiers. La procédure daujourdhui, qui aura lieu à Montréal,
est une présentation pro
forma. On sattend à ce que la requête elle-même soit
entendue par la Cour vers la fin du mois.
Cette requête demande à la Cour «dordonner à la Régie de convoquer les
croupiers pour quils puissent se faire entendre, et à la Régie, de
statuer sur les plaintes et la demande dordonnance de sauvegarde
déjà déposées.»
Rappel des faits
Le 7 décembre 2007, les trois syndicats FTQ représentant les
quelque 1450 croupiers des casinos de Montréal, du Lac-Leamy et de
Charlevoix déposent une plainte à la Régie sur la légalité des
appareils que la Société des casinos veut implanter. À ce
moment-là, les croupiers savent déjà que la Société envisage
louverture des salons de poker pour le 18 janvier.
La plainte déposée vise les «appareils de type Texas HoldEM fabriqués
par la compagnie Poker Tek». Pour les syndicats,
lintroduction de ces tables électroniques est «totalement illégale et va à lencontre, non
seulement du Règlement sur les jeux de casino (c.S-13.1, r.1.01),
mais également à lencontre du projet damendement de ce règlement
qui fut publié dans la Gazette officielle du Québec». On
estime que, pour quun salon de poker soit conforme à la loi, entre
autres choses, les cartes doivent être distribuées par une
personne. Au Québec, lutilisation de machines à sous est encadrée
légalement. Dans ce cas, le résultat dun jeu sur une machine à
sous doit reposer sur le hasard, même lorsque le joueur peut faire
des choix, ce qui nest pas le cas avec les tables électroniques de
poker. Il y a donc une importante distinction à faire entre machine
à sous et une table de poker électronique.
Le 3 janvier 2008, les avocats des croupiers font une seconde
intervention auprès de la Régie.
Dès le 10 janvier, les croupiers décident de dénoncer la situation
sur la place publique et dans les médias. Le même jour, sur les
ondes dun poste de radio de Gatineau, Réjean Thériault, un
porte-parole de la Régie, confirme les interventions de croupiers
auprès de son organisme et commente sur la légalité ou non des
salons de poker. Il déclare que, «si jamais elles [les machines] étaient
utilisées, à ce moment-là, la plainte des croupiers, peu importe
doù elle vient, on va effectivement enquêter si la machine est
légale ou pas».
Le 14 janvier, devant linaction de la Régie et limminence de
louverture des salons de poker, les procureurs des croupiers
déposent une requête à la Régie pour en empêcher louverture dans
les trois casinos. La requête sapparente à une procédure
dinjonction. La Régie reste muette.
Le 17 janvier, dans un communiqué de presse, la Société des casinos
annonce que les trois casinos offriront aux amateurs de poker
«des machines à sous de poker
Texas Hold’em». Jusque-là personne, ni même la Société,
navait pensé désigner les tables de poker électronique comme des
machines à sous
On saperçoit alors que la Société a fait disparaître de son site
Internet toutes les références aux «salons de poker» (qui nécessitent la
présence des croupiers alors que ce nest pas le cas des machines à
sous). Radio-Canada en fera dailleurs un excellent résumé dans sa
section Nouvelles-Web (www.radio-canada.ca/nouvelles/surLeWeb/2008/01/17/index.shtml) . On y
apprend, entre autres, que la page du site de la Société des
casinos faisait toujours référence aux salons de poker le 15
janvier. Ces mentions ont donc été effacées entre le 15 et le 17,
moment où les tables électroniques de poker deviennent soudainement
des «machines à sous de
poker».
Pour le porte-parole des croupiers, Jean-Pierre Proulx, louverture
de salons de poker avec les machines électroniques Texas HoldEM
est non seulement illégale mais contraire au mandat de la Société
des casinos, ce qui nest pas sans conséquence pour une région
comme Charlevoix durement affectée par les pertes demploi.
Sur son site Internet, la Société des casinos rappelle ainsi le
mandat quelle a reçu du gouvernement: «La Société des casinos du Québec a pour
mandat de procéder à limplantation de casinos au Québec et den
assurer la gestion. Les objectifs poursuivis par le gouvernement
sont principalement de créer des emplois, de doter le Québec
déquipements touristiques supplémentaires de classe
internationale, de générer une source additionnelle de revenus pour
l’État et, enfin, de récupérer des sommes importantes jouées par
les Québécois dans les casinos à létranger.»
En ouvrant ses salons de poker, les casinos tentent de créer une
situation de fait accompli. La Régie, dont un porte-parole avait
annoncé la tenue dune enquête, ne fait toujours rien. Aucune
réponse, aucune communication avec les procureurs des croupiers.
Les 24 et 25 janvier, devant ce fait accompli et labsence de
réponse de la Régie, les avocats des croupiers font signifier une
Requête introductive d’instance en Mandamus à la Régie ainsi quaux
casinos de Montréal, du Lac-Leamy et de Charlevoix. Présentée en
Cour supérieure, la requête demande dordonner à la Régie de
convoquer les croupiers pour quils puissent se faire entendre, et
à la Régie, de statuer sur les plaintes et la demande dordonnance
de sauvegarde déjà déposées.
Le 4 février, pour une première fois la Régie répond par écrit aux
trois syndicats. Toutefois, contrairement aux déclarations faites
par son porte-parole aux médias le 10 janvier, la Régie répond
laconiquement quelle «nentend
pas conduire une enquête en vertu de larticle 71 de la Loi sur les
loteries, les concours publicitaires et les appareils
damusement». La Régie reste toutefois muette sur les
plaintes déposées en vertu des articles 28 et 34 de la Loi sur la Régie des alcools, des courses et
des jeux.
Le 11 février, les procureurs syndicaux demandent par écrit à la
Régie de se prononcer sur les plaintes portées par les croupiers en
vertu de la Loi sur la Régie des
alcools, des courses et des jeux.
Les croupiers
Rappelons que les syndicats des croupiers SCFP et TUAC affiliés à
la FTQ, représentent quelque 1450 croupiers et que 550 autres
employés des casinos de Montréal, du Lac-Leamy et de Charlevoix
sont aussi membres de la FTQ.
Prenez note que le SCFP n’est
aucunement responsable du contenu des sites externes.