Le lock-out au Journal de Québec aura bientôt un an
15 avril 2008
Québec, le
mardi 15 avril 2008 Dans quelques jours, le lock-out au
Journal de Québec aura
duré une année complète. En effet, il y aura exactement un an le 22
avril que Quebecor/Sun Media jetait à la rue ses employés du
Journal. Cette décision de
lentreprise de presse survenait malgré des profits annuels nets de
25 millions au Journal de Québec, une position de numéro un dans
son marché, une progression constante de son tirage et une paix
industrielle avec ses employés qui durait depuis 40 ans.
Manif et
boycott
La journée du 22 avril sera marquée par une manifestation des
syndiqués, dont les détails seront précisés plus tard. À loccasion
de cette journée, ils demandent lappui de la population de la
région de Québec. Le porte-parole des 252 employés du Journal, Denis Bolduc, explique que
cet appui prendra la forme dun boycott. «Pour marquer la journée du 22 avril, nous
demandons au public denvoyer un message clair à la direction de
Quebecor et pour ce, de ne pas acheter le Journal de Québec
et de ne pas le lire au
restaurant ou ailleurs. Bref, de lignorer tout simplement.»
Dans ce conflit, cest lemployeur qui est en demande. «Le problème, commente Denis Bolduc,
cest quen décrétant son
lock-out, Quebecor sest complètement peinturé dans le coin. Ce
nest dailleurs pas pour rien que, depuis un an, les dirigeants
refusent systématiquement de commenter le conflit. Ils se sont mis
les pieds dans les plats. Cest pourquoi on pense que larbitrage
du conflit est, dans les circonstances, la meilleure
solution.» Le 27 janvier, les syndiqués ont proposé de faire
trancher le litige par un arbitre, comme cela est prévu au Code du
travail. «Cette proposition tient
toujours», fait-il remarquer.
Denis Bolduc souligne également que cest «un lock-out aussi sauvage quinutile. Les
dirigeants de Quebecor ont non seulement créé un conflit de
travail, ils ont rompu le contrat moral qui unissait les employés à
leur employeur. Ce contrat moral cétait celui du père Péladeau, le
fondateur du Journal. Sa formule était simple. Il la dit à mes
collègues de la rédaction, de limprimerie et des bureaux et à
moi-même: Faites de mon journal le numéro un et je ferai de vous
autres des numéros un. Mon ptit gars, me disait-il, fais-moi faire
de largent clisse, puis tu vas en faire toi aussi.
Le lock-out, une spécialité
Quebecor
La méthode forte, celle qui consiste à mettre ses employés à la rue
pour forcer des concessions, est une habitude pour Quebecor Media.
En 13 ans, de 1994 à 2007, 12 lock-out ont été décrétés par
Quebecor contre ses employés, tous sous la gouverne de Pierre Karl
Péladeau. En voici la liste.
Journal de Montréal
(préparation)
19 septembre au 6 février 1994 140 jours 150 travailleurs
Journal de Montréal
(pressiers)
11 octobre 1993 au 8 mars 1994 148 jours 148 travailleurs
Journal de Montréal
(encarteurs, expédition, deux accréditations)
11 octobre 1993 au 17 mars 1994* 110,5 jours 210 travailleurs
Vidéotron Télécom 78 jours 112 travailleurs
30 avril au 16 juillet 2002
Vidéotron Montréal* 360 jours 1800 travailleurs
8 mai 2002 au 2 mai 2003
Vidéotron Québec* 360 jours 313 travailleurs
8 mai 2002 au 2 mai 2003
Groupe TVA Montréal* 7 jours 7 travailleurs
3 au 9 juillet 2003
Groupe TVA Estrie 67 jours 6 travailleurs
30 janvier au 5 avril 2004
Journal de Montréal
(vendeurs) 36 jours 44 travailleurs
9 février au 15 mars 2004
Journal de Montréal
(pressiers)** 114 jours plus de 100 travailleurs
22 octobre 2006 au 12 février 2007
Journal de Québec (bureau)
? jours 68 travailleurs
22 avril 2007 à ce jour
Journal de Québec (rédaction) ? jours 69 travailleurs
22 avril 2007 à ce jour
* Lock-out et grève
** Lock-out déclaré illégal par le tribunal
Les enjeux
Les enjeux de ce conflit de travail sont multiples. Nen
mentionnons que quelques-uns. Pour les employés de bureau, ce sont
surtout des questions de sous-traitance et de délocalisation des
emplois. Pour ceux de limprimerie, cest létablissement de
conditions salariales différenciées. Pour les journalistes et
photographes, cest la redéfinition même de lexercice de leur
profession qui est dans la balance, une bataille pour la qualité de
linformation et la liberté de presse. À tous les employés,
lemployeur demande aussi de faire passer la semaine de travail de
quatre jours à cinq jours semaine, sans aucune compensation.
Un an de lock-out au Journal de Québec
Les employés de bureau et de la rédaction du Journal de Québec sont
sous le coup dun lock-out décrété par lemployeur le 22 avril
2007. Avant le déclenchement du lock-out, aucun des trois syndicats
navait demandé de mandat de grève à ses membres ni même exercé de
moyens de pression. En solidarité avec leurs collègues jetés sur le
trottoir par la décision de Quebecor/Corporation Sun Media, les
employés de limprimerie ont voté la grève à 97%.
Aucun conflit de travail navait eu lieu depuis la fondation du
Journal de Québec en 1967.
Au printemps 2006, tous les employés syndiqués du Journal avaient
accepté de reconduire la convention collective pour un an en
partenariat avec lemployeur pour mieux affronter son concurrent,
Le Soleil, qui passait au
format tabloïd.
Au moment du déclenchement du conflit, le Journal de Québec dégageait des
profits nets annuels denviron 25 millions de dollars et était le
numéro un dans son marché.
Selon les données de lAudit Bureau of Circulations (ABC)
(organisme spécialisé dans l’évaluation de la distribution des
quotidiens partout sur le continent nord-américain), au moment de
lannonce du lock-out, le Journal de Québec était celui qui avait
connu la plus forte progression au Canada (soit 2,5%, pour la
période de six mois se terminant le 31 mars 2007, du lundi au
vendredi, pour les quotidiens de plus de 100,000 exemplaires).
La brutalité de ce lock-out, malgré la très grande profitabilité de
lentreprise, fait dire aux syndiqués que Quebecor/Sun Media
pratique à leur endroit du «terrorisme économique».
Aucun piquet de grève na été érigé par les syndiqués depuis le
début du lock-out.
Depuis le 24 avril 2007, les employés en conflit publient et
distribuent cinq jours semaine 40 000 exemplaires du MédiaMatinQuébec, un quotidien gratuit
quils ont créé pour rappeler leur cause à la population de Québec.
Quebecor/Corporation Sun Media a entrepris plusieurs recours
judiciaires pour empêcher la publication du MédiaMatinQuébec. Toutes ces démarches
ont échoué.
Malgré le conflit, le Journal de Québec continue dêtre publié. Il
est imprimé principalement à Mirabel plutôt quà Québec.
Le 27 janvier, les syndiqués ont proposé de faire trancher le
conflit par un arbitre, comme cela est prévu au Code du travail. Dans un communiqué
laconique, Quebecor a immédiatement fait savoir quelle refusait
cette proposition
Dans une décision rendue le 23 août 2007, en application de
larticle 109 du Code du travail du Québec (dispositions
anti-scabs), la Commission des relations du travail (CRT) du Québec
a ordonné à la direction du Journal de Québec de cesser de recourir
aux services de quatre personnes qui remplissaient les fonctions de
salariés en conflit.
De nouvelles plaintes concernant lutilisation de travailleurs
illégaux ont été déposées par les syndicats en octobre et novembre
2007. Au total, ces plaintes visent 17 personnes. Des audiences de
la CRT sur ces plaintes ont eu lieu les 14 et 28 janvier, 12 et 14
mars. Lors des premières audiences, le rédacteur en chef du
Journal de Québec, Serge
Gosselin, a déclaré sous serment quil nestimait «pas pertinent» de savoir qui sont les
auteurs des articles provenant de Canoë et publiés dans son
quotidien en lockout. Dautre part, dans son témoignage Sylvain
Chamberland a expliqué que cest à la demande de Pierre Karl
Péladeau lui-même quil a lancé son agence à la fin mai 2007, soit
un mois après le début du lock-out. Le 28 mars, Quebecor a tenté
dobtenir de la CRT une ordonnance de non divulgation, de non
publication et de non diffusion. Cette requête a été refusée séance
tenante par la CRT. Les audiences devant la CRT vont se poursuivre
le 14 mai.
Par ailleurs, le 5 février 2008, le Journal de Québec, le portail Internet
Canoë et le journaliste de Canoë Hubert Lapointe ont plaidé non
coupables à des accusations criminelles pour avoir, lété dernier,
divulgué le nom dune victime dagression sexuelle malgré une
ordonnance de non-publication de la Cour. Cette affaire reviendra
devant le tribunal le 15 avril. Hubert Lapointe est lune des 17
personnes visées par les plaintes sur lemploi de scabs.