Alvin Gibbs sera-t-il dédommagé ?
12 septembre 2004
Montréal, le dimanche 12 septembre 2004
– Alvin Gibbs, cet éducateur faussement accusé, vient de faire
quelques pas de plus vers son retour à une vie normale. Vendredi
après-midi, la Cour supérieure lui a de nouveau donner raison. La
Cour a rejeté la requête en révision judiciaire présentée par son
employeur, les Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw.
Batshaw tentait de faire casser la décision arbitrale favorable à
l’éducateur qui a ordonné le retour à son emploi. Dans son jugement
rendu à l’audience, le juge François Bélanger a rappelé que tous
les tribunaux sont arrivés à la même conclusion, soit le rejet de
toutes les accusations contre l’éducateur.
Pour Gerry Joyce, du Syndicat canadien de la
fonction publique (SCFP-FTQ), il est plus que temps de dédommager
Alvin Gibbs pour les inconvénients qu’il a subis «Au SCFP, on a
toujours cru à la bonne foi d’Alvin et on ne l’a jamais laissé
tomber, a-t-il déclaré. Maintenant, c’est assez. Après trois
jugements favorables à Alvin, j’espère que l’employeur va prendre
ses responsabilités et le dédommager pleinement. Sa vie a déjà été
assez pénible depuis quatre ans, il faut que ça finisse.»
Rappel des faits
Depuis quatre ans, l’éducateur a vécu un véritable enfer, digne des
romans de Kafka. Il est d’abord suspendu de son emploi en octobre
2000, puis congédié par son employeur en mars 2001. La direction
des Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw croit alors
qu’il s’est livré à des «activités sexuelles» avec de jeunes
bénéficiaires. Par la suite, en septembre 2001, des accusations
criminelles sont déposées contre lui, pour les mêmes motifs. Toutes
ces accusations sont finalement rejetées, aussi bien par le
tribunal d’arbitrage que par la Cour du Québec.
En novembre 2003, dans une décision longue de 103 pages, après 23
séances d’audition étalées sur deux ans, l’arbitre de grief
Jean-Marie Lavoie rejetait toutes les accusations et ordonnait la
réintégration immédiate de l’éducateur dans ses fonctions. Le 1er
juin dernier, la juge Élisabeth Corté de la Cour du Québec
rejetait, elle aussi, les cinq chefs d’accusation à l’encontre
d’Alvin Gibbs.
Malgré ces deux jugements favorables à l’employé, le Centre Batshaw
a quand même demandé une révision judiciaire de la décision
arbitrale. Il prétendait l’illégalité de la décision de l’arbitre,
invoquant que, dans l’attente de son procès, l’éducateur était sous
le coup d’une ordonnance de la Cour du Québec. Dans son jugement de
vendredi, la Cour supérieure fait cependant remarquer que le Centre
Batshaw est plutôt mal venu d’attaquer la décision rendue par
l’arbitre puisqu’il s’était lui-même opposé à une suspension de
l’arbitrage durant les procédures pénales (page 3 du jugement).
Gerry Joyce estime que «trois jugements successifs devraient
suffire, d’autant plus que tout le monde sait que les accusations
contre l’employé ne reposaient sur rien.» Une lueur d’espoir
pointe à l’horizon. Dans son édition du 22 juin, le journal
Montreal Community Contact rapportait les propos du directeur
exécutif du Centre Batshaw, Michael Udy. Celui-ci déclarait que
«si la Cour donnait raison à Gibbs lors de l’appel de
septembre [c’est-à-dire la révision judiciaire de la décision
arbitrale], Batshaw allait se soumettre totalement à la
décision». («That appeal will be heard in September. He says
if then, the court rules in favour of Gibbs, Batshaw will comply
fully with its decision.» )
Une vie tranquille devenue un cauchemar
Sans ressources financières, c’est péniblement qu’Alvin Gibbs est
arrivé à joindre les deux bouts et garder sa dignité tout au long
de ce pénible cauchemar. Sous le coup d’une ordonnance de la Cour
pendant toute la durée de son procès, ce qui l’empêchait d’exercer
sa profession d’éducateur, il a dû quitter son domicile pour
emménager chez sa sur et s’en remettre à l’aide sociale pour tout
revenu.
Comme si les fausses accusations et la perte de son emploi ne
suffisaient pas, Alvin Gibbs a aussi été l’objet d’une bévue
journalistique déplorable. Le premier avril 2003, un quotidien
montréalais publiait la photo de la victime d’un hold-up survenu
dans une caisse populaire, un homme cloué à jamais à son fauteuil
roulant, et celle de son agresseur. Mais, plutôt que la photo du
présumé coupable, c’est celle d’Alvin Gibbs qui paraissait?
L’éducateur a été fortement ébranlé par la succession de tous ces
événements, auxquels se sont ajoutés des problèmes de santé.
Gerry Joyce insiste sur le fait qu’on doive dédommager rapidement
Alvin Gibbs. «Il n’est coupable de rien, il n’a pas à payer le
prix de fausses accusations, plaide-t-il. En plus, il vient
tout juste d’apprendre que la maison de sa famille, dans son pays
d’origine la Grenade, vient d’être dévastée par l’ouragan
Ivan.»
Le SCFP représente quelque 20,000 membres dans la santé et les
services sociaux au Québec. En plus de ce secteur d’activité, le
SCFP est présent dans 10 autres secteurs, entre autres,
l’éducation, les municipalités, le transport urbain, le transport
aérien, les sociétés d’État et organismes publics québécois,
l’hydroélectricité et les communications. Comptant au total près de
100,000 membres au Québec, il est le plus important syndicat
affilié de la FTQ.