Réaction de la FTQ au rapport de la Commission Clair sur la santé
18 janvier 2001
Jeudi, 18 janvier 2001- La FTQ et ses principaux affiliés
dans le secteur de la santé et des services sociaux, le Syndicat
canadien de la fonction publique (SCFP) et le Syndicat québécois
des employées et employés de service (SQEES-298), reconnaissent à
leur juste valeur les importants efforts de consultation et de
réflexion consentis depuis plusieurs mois par la Commission
présidée par M. Michel Clair.
L’accent mis sur une meilleure organisation
des soins de première ligne, sur la prise en compte sérieuse des
services sociaux, sur l’approche psycho-sociale, sur les besoins
des personnes souffrant d’incapacités ou en perte d’autonomie et
sur une attention accrue aux besoins des jeunes constituent des
points fort positifs à retenir du rapport final de la commission.
Un virage bienvenu sur la prévention et une approche globale de
la santé
» L’accent mis par le rapport Clair sur la prévention, dans le
cadre d’une approche de la santé publique qui déborde le seul cadre
du réseau, répond à des revendications que nous mettons de l’avant
depuis des décennies dans un débat qui se résume trop souvent à une
approche strictement curative ou de dépannage.
» Dans la foulée de la tragédie de Walkerton et des inquiétudes
exprimées quant à la fiabilité des installations et des contrôles
de nos réseaux de traitement et de distribution d’eau potable,
l’inclusion de paramètres comme la qualité de l’eau, de l’air, de
l’environnement en général, de la santé-sécurité, etc. dans une
appréciation globale de la santé nous apparaît éminemment
responsable. Il reste toutefois à traduire concrètement cette
approche dans des gestes que devront poser des acteurs et des
ministères non directement imputables au titulaire de la Santé « , a
fait valoir M. Henri Massé, président de la FTQ.
Groupes de médecins de famille : une piste intéressante pour la
première ligne
» Bien qu’elle demeure à être évaluée au quotidien, la formule des
groupes de médecins de famille (GMF) nous apparaît comme une piste
intéressante pour assurer une meilleure accessibilité et un
meilleur suivi des personnes au niveau des soins de première ligne.
Toutefois, le gouvernement devrait s’assurer que chacune des régies
régionales pousse pour la mise en place de tels groupes, sur une
base volontaire, dans un délai d’un an. Passé ce délai, le
gouvernement devrait procéder à une évaluation sérieuse des
expériences, sans attendre les 5 ans prévus par le rapport Clair,
et passer en mode plus coercitif là où la situation l’impose.
» Toujours sur le plan des soins de première ligne, bien que nous
reconnaissions l’importance dévolue aux CLSC quant à leur rôle au
niveau psycho-social, nous nous devons de déplorer la décision de
consolider les équipes médicales (GMF) davantage en clinique privée
qu’au CLSC. Cette décision vient sonner le glas, notamment, du
projet de faire des CLSC les portes d’entrée privilégiées du réseau
« , a ajouté le président de la FTQ.
Cliniques affiliées : le fait accompli des privatisations
» Comme nous l’ont amplement démontré les débats publics lors de la
dernière campagne électorale fédérale, l’installation confortable
du privé dans notre système de santé est un fait accompli. Mais si
l’attention était davantage orientée vers le projet de loi 11 de
Ralph Klein et les formes de privatisation à l’albertaine, le
projet de cliniques spécialisées affiliées du rapport Clair vient
sanctionner cette privatisation au Québec.
» On vide les hôpitaux d’un certain nombre de spécialités tout en
les concentrant dans ces cliniques affiliées privées financées par
les deniers publics, avec la seule obligation pour les spécialistes
participants d’être inscrits aux Conseils de médecins des
établissements. Il s’agit là d’une ouverture notable au
développement d’autres initiatives privées en marge du système
public.
» Initiative tout aussi conviviale, mais publique, les commissaires
auraient pu s’inspirer de l’expérience du Centre hospitalier
ambulatoire régional de Laval (CHARL) pour pousser plus avant leur
réflexion et formuler des recommandations quant au développement de
ressources spécialisées publiques en périphérie des établissements
hospitaliers « , a indiqué pour sa part M. Claude Généreux,
président du SCFP-Québec.
Priorité à la jeunesse : il était temps!
» Avec le syndrome de la porte tournante de plus en plus présent
dans des Centres jeunesse à bout de souffle, avec des charges de
cas de plus en plus lourdes pour les intervenants psycho-sociaux
des directions de la protection de la jeunesse souvent critiquées
pour les jeunes qui échappent aux mailles du filet de l’évaluation,
l’injection annuelle de 20 millions $ pour les 5 prochaines années
doit être accueillie comme un répit important.
» Cependant, cette prise en charge par les CLSC de cas de
signalement moins extrêmes et non traités par les DPJ doit faire
l’objet d’une évaluation périodique permettant un réajustement des
stratégies d’intervention et des débats sur l’adéquation entre la
répartition de l’allocation des ressources et les réels besoins des
jeunes. On ne peut se contenter de dire qu’on injecte 100 millions
$ et qu’on se reverra dans 5 ans pour faire le post mortem de
l’expérience « , a commenté M. Daniel Boyer, secrétaire général du
SQEES (298).
Tous doivent contribuer à l’assurance contre la perte
d’autonomie
» Nous ne pouvons qu’applaudir à l’objectif de cette mesure visant
à éviter de faire porter aux jeunes d’aujourd’hui, une fois sur le
marché du travail, le poids important d’un régime de soutien aux
personnes en perte d’autonomie dans 15, 20 ou 30 ans, alors que le
nombre de personnes âgées aura doublé au moment même où celui des
personnes actives à même de contribuer à ce régime diminuera.
Toutefois, le cadre assuranciel dans lequel nous est présenté un
tel projet plutôt que dans un cadre fiscal pose plus de questions
qu’il n’apporte de réponses.
» Un bémol important s’impose également sur la détermination du
bassin des contributeurs à un tel régime aujourd’hui. Il est pour
le moins anormal que ce régime capitalisé ne soit financé que par
une contribution obligatoire et fiscalisée sur les revenus
individuels de toute provenance. Pourquoi avoir exclu d’emblée les
entreprises de ce bassin de contributeurs alors qu’elles sont
appelées, par le biais de charges sociales, à participer
aujourd’hui à un ensemble de mesures publiques, y compris les
services de maintien à domicile ou les différents services aux
personnes souffrant d’incapacité ou en perte d’autonomie?
» Les entreprises du Québec profitent avantageusement des
programmes publics pour le maintien d’une main-d’uvre en santé
alors que chez nos voisins du Sud, nombre d’entreprises doivent
souscrire à des assurances privées coûteuses pour retenir une
main-d’uvre qualifiée. Ce serait la moindre des choses qu’elles
participent à ce nouveau régime, quelle qu’en soit la forme « , a
fait remarquer M. Massé.
Corvée nationale de financement
» Nous tenons à préciser que nous n’adhérons pas au discours tous
azimuts sur les limites à la capacité de payer de l’État, discours
qui n’a pas beaucoup évolué depuis les débuts de la croisade pour
le déficit zéro et qui est aujourd’hui en porte-à-faux avec les
surplus le plus souvent sous-évalués des différents paliers de
gouvernement. Le gouvernement du Québec a un travail prioritaire à
faire aujourd’hui, c’est d’aller exiger du fédéral un
réinvestissement supplémentaire et substantiel dans le TCSPS ou
encore le transfert de points d’impôts.
» Cette prémisse étant posée, nous ne pouvons qu’être d’accord avec
les priorités d’investissement formulées à la recommandation no 27
du rapport Clair. Les services d’hôtellerie (de buanderie, de
cuisine, de cafétéria), tout comme le maintien des actifs
immobiliers (et leur augmentation notamment au niveau des CHSLD),
les technologies de l’information et de la communication de même
que les équipements médicaux nécessitent un apport d’argent neuf
important au cours des prochaines années.
» Mais pourquoi dans un cas, par exemple pour les services
d’hôtellerie, vouloir recourir aux fonds de travailleurs et dans un
autre, les équipements de haute technologie, vouloir recourir à la
création d’une grande fondation avec des exemptions fiscales à la
clé de 120 %. Si on peut dégager un modèle de financement adéquat,
qu’on l’applique à l’ensemble des besoins et non à la pièce. Et
quel que soit le modèle retenu, qu’on ne tente pas de nous refiler
une privatisation par la porte d’en arrière de certaines activités
« , ont averti MM. Boyer et Généreux.
Ressources humaines
» Nous sommes conscients du fait qu’une opération de l’ampleur de
celle que propose le rapport Clair nécessitera des discussions
entre les parties et une réflexion sur les pratiques actuelles en
matière d’organisation du travail. Mais il nous semble que
l’ex-ministre Clair ait oublié d’accrocher au vestiaire son chapeau
de négociateur patronal pour aborder cette délicate partie de son
rapport.
» Au-delà des lieux communs véhiculés quant à la rigidité des
conventions collectives, pourtant librement négociées entre les
parties, un certain nombre d’incongruités apparaissent dans le
rapport, notamment sur le traitement au niveau local de matières
comme la dotation du personnel et, au niveau national, d’une
ancienneté réseau. Le rapport parle également de la nécessité de
revoir l’organisation du travail alors que, depuis 1993, nous avons
prévu des mécanismes pour ce faire, mécanismes littéralement boudés
par bon nombre d’administrations locales jalouses de leurs
prérogatives.
» La grande majorité des matières mentionnées dans le rapport Clair
comme devant faire l’objet de négociations entre les parties sont
déjà prévues dans les conventions collectives en vigueur. Si, par
omission, elles n’y étaient pas, nous aurons une nouvelle ronde de
négociation pour y remédier bien avant les 5 ans prévus pour la
pleine application de ses recommandations et propositions « , a
expliqué M. Gilles Giguère, coordonnateur FTQ pour la négociation
dans les secteurs public et parapublic.
Contrer la morosité
» C’est en donnant plus de place au personnel dans les processus
décisionnels et en réinjectant des sommes d’argent significatives
dans le réseau qu’on pourra espérer contrer la morosité ambiante
dans les établissements. Il ne faut surtout pas oublier que ce
climat résulte directement d’un désinvestissement majeur dans le
système de santé et de services sociaux ces dernières années. À ce
chapitre, la volonté du Conseil du Trésor de sabrer de plus de
moitié dans les prévisions de dépenses de 900 millions $ en
2001-2002 n’augure rien de bon pour la remobilisation du personnel
« , a ajouté M. Giguère.
Y aller étape par étape et évaluer la situation
» S’il y a une constante qui revient, tout au long du rapport
Clair, c’est l’horizon de 5 ans pour la mise en uvre des
recommandations contenues dans ce volumineux rapport. Cette
échéance ne doit pas constituer une licence au laisser-aller dans
l’intervalle, au contraire. Nous considérons essentiel que des
mécanismes d’évaluation, de consultation et de réajustements soient
prévus, sur une base annuelle si possible, pour que les dérapages
éventuels soient identifiés et corrigés promptement.
» Mais plus que tout, nous ne saurions trop insister pour que le
gouvernement du Québec se dote, le plus rapidement possible, d’une
législation cadre en matière de santé et de services sociaux qui
garantirait l’accès à des services gratuits, universels,
accessibles et de qualité « , a conclu M. Henri Massé.
La FTQ, la plus grande centrale syndicale québécoise, représente
près d’un demi-million de membres dont au-delà de 50 000 dans la
santé et les services sociaux.