Le projet du CHUQ en PPP dénoncé par des chercheurs
16 juin 2008
Québec, le lundi 16 juin 2008 À laube dune
séance publique du Conseil dadministration du CHUQ, les employés
de cette institution de santé sont sortis en force ce matin pour
sensibiliser la population aux dangers des partenariats
public-privé (PPP). On sait que la direction du centre hospitalier
est tentée de recourir à ce type de contrat, et subit présentement
la pression de lAgence des PPP et du gouvernement Charest, pour
réaliser le projet de modernisation et dagrandissement du pavillon
de lHôtel-Dieu.
Pour étayer et appuyer son propos, le syndicat
affilié au SCFP a eu recours à plusieurs experts, dont le
professeur Pierre J. Hamel, de lINRS, lauteur dune étude fort
éclairante sur les PPP dans le secteur municipal. Pour ce
chercheur, les principes des contrats en PPP sont les mêmes et les
parallèles sont évidents. «Ce qui
minquiète le plus dans le cas dun hôpital, cest lengagement à
long terme où lon brime la capacité dadaptation de linstitution
avec un contrat qui lui lie les mains pour bien trop
longtemps», affirme-t-il. Les choses évoluent très rapidement en
médecine, quelle sera la réalité médicale dans 10 ans, 20 ans, 30
ans? Pourquoi se couler les pieds dans le béton avec un PPP dont on
ne pourra se débarrasser si nos besoins changent dans lavenir?
Cest à mon sens contraignant, imprudent et
contre-productif.»
Des coûts plus élevés
La question des coûts est également au centre de largumentaire
avancé par le SCFP et ces chercheurs. Lun des dirigeants de la
Ontario Health Coalition, Doug Allan, est dailleurs venu témoigner
des expériences désastreuses des partenariats public-privé dans sa
province. Selon lui, partout où lon a eu recours aux PPP,
«le scénario se ressemble : des
coûts plus élevés que prévus, moins de lits disponibles pour les
malades et moins de services. Ces pourparlers secrets, qui
souffrent dun manque total de transparence auprès des citoyens,
accouchent de contrats qui nous menottent pendant des années et
vont miner le système de santé de lOntario. Loin de réduire les
coûts, ces PPP vont créer une charge financière supérieure et
récurrente pour les contribuables de ma province».
Un point de vue corroboré par lexpérience britannique, telle que
relevée par Guillaume Hébert, chercheur à lIRIS et spécialiste du
financement des systèmes de santé. «Lautomatisme de la plus grande efficience
du secteur privé est largement un mythe. En Angleterre, mais on
pourrait aussi parler de lAustralie et de la Suède, ce qui sest
produit au cours des dernières années démontre que le privé nest
pas nécessairement plus efficace, que le coût nest pas inférieur
et que les listes dattente sallongent souvent. En fait, on se
rend compte que la rentabilité est incompatible avec la nécessaire
universalité des soins de santé.»
Des ententes derrière des portes
closes
Carl Dubé, conseiller au SCFP et ancien président du syndicat du
CHUQ, était jusquà aujourdhui membre du Conseil dadministration
du centre hospitalier. Son expérience récente témoigne des
problèmes de transparence et daccès à linformation des projets en
PPP. «Comme le soulignait le
professeur Hamel, les PPP cachent souvent bien des choses. Je lai
constaté personnellement lorsque jai tenté dobtenir des documents
sur le projet de modernisation de lHôtel-Dieu en mode PPP. On ma
carrément refusé laccès à certaines données et jai dû me battre
bec et ongles pour avoir des informations essentielles. Rendez-vous
bien compte : les appels doffres ne sont pas lancés, les contrats
ne sont pas encore signés et déjà le représentant des employés est
tenu à lécart. Et jétais membre du CA! Cela augure bien pour
lavenir. Imaginez les démarches que devront faire les simples
citoyens pour savoir comment leurs taxes sont dépensées et pour
quoi.»
Un mauvais choix
Pour le SCFP, la conclusion simpose delle-même et le Conseil
dadministration du CHUQ doit opter pour un projet de type
conventionnel. «Le CA doit
résister au chant des sirènes de lAgence des PPP et aux pressions
dun gouvernement vendu à ce type dententes. Si la direction de
lhôpital choisit de se tourner vers les PPP, un mode de
construction qui a montré ses failles autant en Ontario quen
Angleterre, tout le monde sera perdant : les malades, les employés,
les contribuables et les citoyens. En fait presque tout le monde
Les firmes davocats qui rédigent ces contrats et les compagnies
qui empocheront des profits pendant 30 ans seront les seules
gagnantes», de conclure Claudette Blais, présidente du
syndicat des employés du CHUQ.
Le SCFP représente quelque 20,000 membres dans la santé et les
services sociaux au Québec. En plus de ce secteur dactivité, le
SCFP est présent dans 10 autres secteurs, entre autres,
léducation, les municipalités, le transport urbain, le transport
aérien, les sociétés dÉtat et organismes publics québécois,
lhydroélectricité et les communications. Comptant au total plus de
105,000 membres au Québec, il est le plus important syndicat
affilié de la FTQ.